Renard est un huis clos qui met en scène un duel improbable : d’un côté Renard, un animal qui parle, de l’autre Gaspard, un humain qui grogne. L’idée de donner la parole à ce renard, prisonnier malgré lui d’un environnement morne et d’un quotidien infernal, était l’occasion d’exprimer à travers son regard, ses commentaires et son immobilité, l’impuissance et le dégoût que l’on peut éprouver face à la bêtise humaine. Renard, spectateur figé devant ce triste échantillon d’humanité, ne peut que constater les dégâts, avec le cynisme comme seul défouloir. Cependant, l’espoir persiste, mais le seul moyen de se libérer de ce monde hostile reste la mort, sort aussi brutal qu’absurde réservé à tous les personnages.

Juste après la réalisation de mon court-métrage Charognes, où je mettais déjà en scène à la fois la confrontation mais aussi le mélange entre le monde animal et le monde humain sur fond de décor rural, je souhaitais enchaîner rapidement avec un nouveau film pour continuer sur mon énergie créatrice mais aussi pour explorer cet aspect plus en profondeur et enrobé d’humour noir. C’est alors que j’eus l’idée de donner directement la parole à un animal empaillé (qui deviendra plus tard un renard) bloqué et contraint de fixer la vie cafardeuse de son meurtrier.

Si ma tendance personnelle au cynisme n’a pas toujours sa place dans les conversations du quotidien, c’est bien à travers l’écriture d’un film que j’ai pu m’exprimer librement avec ce ton, au même titre que ce renard qui se défoule sur l’idiotie humaine, sa violence, sa fainéantise et sa simplicité.

Toujours très influencé par le travail du réalisateur Quentin Dupieux, son film Le Daim (2019) devint ma principale source d’inspiration, tant par son aspect esthétique que narratif. C’est bien l’idée de cette veste en daim qui prend subtilement vie dans un univers rural qui me donna l’idée d’un objet-animal qui exprime ce qu’il veut comme il peut. Le film Baxter (1989) de Jérôme Boivin influença également mon écriture et ma mise-en-scène, avec ce regard animal sur la vie qui l’entoure, lui faisant ressentir du malaise et du mépris envers les humains. La voix et le ton de Baxter ont largement déteint sur ceux de Renard. Le court-métrage Le Homard (1995) de Artus de Penguern fut également une référence, notamment pour la scène d'introduction.

Renard se veut aussi un jeu sur les contrastes et les décalages : l’immobilité et le mutisme de l’homme face à la soif de liberté et aux paroles de l’animal, l’enfermement qu’évoque ce camping-car exigu s’oppose à la liberté que représentent les décors de la nature. Enfin, il y a l’ambiance champêtre, la saleté de Gaspard, ses grognements qui contrastent avec la répartie de Renard, ses longues phrases, ses commentaires sur le mode de vie de son tortionnaire et cette musique baroque qui évoquent une certaine élégance dans un environnement sordide.

C’est autant l’envie de raconter une histoire absurde et tragi-comique que la façon de la réaliser de manière amatrice et conviviale qui m’a poussé à la production de ce film. En faisant Renard, j’ai voulu démontrer à nouveau que l’on peut réaliser des films courts et originaux avec beaucoup d’idées et peu de moyens. Une des premières contraintes que je me suis fixé était de tourner en une journée, afin de réquisitionner techniciens, comédiens et matériel sur un seul et même jour. Je me suis donc naturellement tourné vers le huis clos afin de me concentrer sur un seul décor. La narration en voix-off m’a offert également une grande liberté, les dialogues pouvant être réécrit et réenregistré même après le tournage. Cet aspect amateur en théorie et en pratique me tient particulièrement à coeur : être entouré d’une petite équipe, avoir un petit budget, réfléchir à la création d’effets spéciaux en direct, toutes ces contraintes poussent à la créativité. Plus que réaliser un film je veux bricoler un film et Renard était l’occasion d’assumer pleinement ce côté "cheap", à l’image de l’empaillage approximatif de ce renard dégoté sur leboncoin. Néanmoins, j’équilibre toujours ce côté amateur assumé avec une écriture, une préparation et un tournage faits de manière sérieuse. En somme, une bonne histoire, une bonne organisation et une bonne équipe laissent plus de place à la créativité et la bonne ambiance lors de la création du film, aussi absurde soit-il.